Ces dernières années, j’ai navigué avec de nombreux inconnus, rencontrés principalement par Internet (sur des sites de bourse des équipiers). Dans presque tous les cas, les choses se sont bien passées, mais j’ai beaucoup appris sur ce qui fait un bon équipier, ou d’ailleurs une bonne équipière.
Voici quelques conseils si vous envisagez d’embarquer, que ce soit pour une journée de navigation ou pour traverser un océan en bateau-stop.
Ce qu’on trouve dans le sac d’un bon équipier :
- Des vêtements chauds et imperméables
- Des bottes en caoutchouc
- Une bonne veste de quart et une salopette. Ne lésinez pas, l’argent que vous regretterez est l’argent que vous n’avez pas dépensé. L’équipière qui est arrivée à mon bord avec seulement un coupe-vent n’y a passé que 24 heures. J’ai invité celle qui était arrivée avec un ciré haut de gamme à revenir sur Apsara pour traverser le Golfe de Gascogne en novembre.
- Assez de vêtements pour la durée du voyage + un change complet au cas où.
- Des lunettes de soleil, une ou deux paires, avec un cordon si possible.
- Une lampe frontale étanche (pour les quarts de nuit). Les meilleures frontales sont celles qui s’allument d’abord en rouge (pour éviter d’abimer la vision nocturne) et sont rechargeables par USB).
- Son téléphone, avec un câble (mais le chargeur n’est pas nécessaire, la plupart des bateaux n’ont qu’un système 12 volts).
- Une serviette de toilette
- Quelques livres ou une liseuse
- Un sac de couchage (cela évite au skipper d’avoir à faire la lessive).
- Tous les articles de toilette et les médicaments qui lui seront nécessaires pour le voyage.
- Des comprimés contre le mal de mer (voir ci-dessous la rubrique sur le mal de mer)
- Un petit cadeau pour le capitaine 🙂
Évitez les valises, elles sont difficiles à ranger sur un bateau. Emballez tout dans un sac de sport souple plutôt que dans une valise rigide. Une fois que vous avez tout déballé, les sacs imperméables souples sont beaucoup plus faciles à ranger.
Ce qu’on ne trouve pas dans le sac d’un bon équipier :
- Drogues en tout genre (y compris alcool et tabac).
N’oubliez pas que dans certains pays, la possession de n’importe quelle quantité de drogue peut avoir des conséquences très graves, non seulement pour vous, mais aussi pour le skipper. NE FAITES PAS COURIR CE RISQUE A D’AUTRES !
Si vous prenez des médicaments, parlez-en au préalable au chef de bord - Sauf si vous suivez un régime alimentaire spécial (parlez en à l’avance avec le chef de bord), il est préférable de ne pas apporter de nourriture ou de boisson.
- Et si vous apportez un doudou, assurez-vous qu’il ne s’agisse pas de cet animal aux longues oreilles, cousin du lièvre, dont on ne doit même pas prononcer le nom sur un voilier 🙂
Mal de mer
Certaines personnes n’ont jamais le mal de mer, mais ils sont rares, et si vous êtes débutant, les mouvements d’un petit voilier dans une mer forte peuvent être étonnamment brutaux. Certes, un bon chef de bord essaiera de minimiser le temps passé dans le gros temps, mais ce qui peut lui sembler assez normal sera peut-être effrayant pour vous, et la peur est un facteur de déclenchement du mal de mer.
Le mal de mer peut gâcher, non seulement votre plaisir d’être en mer, mais aussi celui des autres. Sauf si vous êtes absolument certain que vous n’en souffrirez pas, apportez un remède contre le mal de mer (il existe même des remèdes homéopathiques) et prenez-le à temps (n’hésitez pas à demander !)
Chez la plupart des gens, le mal de mer disparait au bout de deux ou trois jours.
La bonne attitude
- Soyez positif
- Soyez honnête. Si vous avez peur, n’essayez pas de le cacher, dites-le
- Soyez flexible. En mer, les plans changent, encore plus que sur terre, et rester au port est parfois l’option la plus sage. Si vous êtes pressé d’aller quelque part, n’essayez pas d’y aller à la voile.
- Soyez poli et gentil. Faites de votre mieux pour être utile.
J’ai eu à bord récemment pour une traversée du golfe de Gascogne par mauvais temps un équipier qui n’avait aucune expérience de la croisière et qui est rapidement devenu un danger sur le pont lorsque le temps s’est gâté. Heureusement, il ne souffrait pas du mal de mer (même par 5 mètres de creux) et s’est fait apprécier du reste de l’équipage en gardant la cabine et la cuisine propres et fonctionnelles, et en faisant des commentaires comme « oh, c’était beaucoup mieux quand tu étais à la barre« . Je l’accueillerais volontiers de nouveau à bord.
Posez les bonnes questions :
Je suis souvent surpris du manque de curiosité de certains équipiers potentiels. Pour moi, ce n’est pas bon signe.
Si vous allez vivre pendant un certain temps, dans un espace très restreint et peut-être dans des situations stressantes avec quelqu’un, vous devez vous assurer que vous pouvez lui faire confiance.
Il faut évidemment se renseigner sur l’expérience nautique du chef de bord et des autres membres d’équipage (est-elle suffisante pour le voyage prévu ?), mais également savoir à quel genre de personnes vous avez affaire. Sont-ils habitués à naviguer avec des débutants ? Sont-ils susceptibles d’exploser et de vous insulter à chaque fois que vous faites une erreur ? Ou resteront-ils calmes et prévenants même quand ça va mal ? Leur attitude vis-à-vis de l’alcool, du tabac et la nourriture est-elle compatible avec la vôtre ?
Renseignez-vous aussi sur le bateau. Est-il bien équipé pour le trajet prévu ? Les équipements de sécurité sont-ils à jour ? Devez-vous apporter les vôtres ? De quels équipements de communications dispose-t-il ? Si une VHF et des téléphones portables suffisent en navigation côtière, en navigation hauturière, un moyen de communication par satellite est recommandé.
Enfin, renseignez-vous à l’avance sur les conditions de vie (ou allez-vous dormir ? qui fait la cuisine ? le ménage ?), ainsi que sur les arrangements financiers, et assurez-vous que tout cela vous convient. Une courte navigation d’essai, indispensable avant de partir loin avec des inconnus, permettra de vérifier que c’est bien le cas.
Préparez vous
Le niveau de confort en croisière, surtout hauturière, est bien moindre que ce à quoi nous sommes maintenant habitués à terre : en haute mer, les douches chaudes (et même les douches froides) sont un luxe rare, l’espace est restreint, la promiscuité peut devenir pesante. Si vous aimez votre petit confort et votre espace, un voilier n’est peut-être pas la meilleure manière de voyager.
Apprenez les bases : Quelques vidéos YouTube ou un peu de lecture pourront vous aider à vous familiariser avec la terminologie de la voile (allures, noms des voiles et des différents cordages, manœuvres de base, nœuds, etc.).
Vous n’allez pas tout apprendre de cette façon, mais cela vous aidera à vous mettre à niveau plus rapidement. Voici quelques suggestions:
- Pour apprendre quelques nœuds utiles
- Les allures
- Le virement de bord
- Manœuvres de port
- Prise de ris Sur Apsara, la manœuvre se fait au pied de mat, mais c’est le même principe
Voir aussi l’article « Conseils aux propriétaires de bateau«
Suite à pas mal d’expériences vécues, je serai tenté de rajouter les points suivants:
Le bateau sur lequel vous embarquez n’est pas le lieu de toutes les libertés et les vacances ne sont pas l’oubli des règles de savoir-vivre, d’hygiène et de soins aux biens d’autrui, en l’occurrence vous devez vous comporter comme si vous étiez invité au domicile (terrestre) de ceux qui vous reçoivent.
En particulier ne pas vous comporter en terrain conquis, éparpiller vos affaires personnelles à travers tout le bateau, ne pas traiter les équipements et aménagement avec absence de précaution au point de les détériorer.
Un bateau exige énormément d’argent, de soins, d’efforts, de temps et d’énergie pour être en bon ordre et que vous en profitiez sans souci, le propriétaire à probablement passé de nombreux mois et dépensé quelques petites fortunes pour que vous naviguiez dans de bonne conditions, merci de respecter ça et ses demandes en rapport avec ça.
Il est couramment entendu qu’un mois de navigation entraine 11 mois d’entretien…ce n’est pas très loin el vérité…donc vous demander de faire un petit peu attention n’est pas quelque chose d’exagéré en retour.
Une autre qualité que vous devez avoir dans votre sac quand vous embarquez, c’est l’humilité…quel que soit votre expérience, niveau, parcours, etc…
En effet, si c’est la première fois que vous embarquez sur ce bateau, vous êtes, malgré toutes vos certitudes et confiance en vous, dans un domaine tout simplement inconnu, il vous faut donc une phase d’apprentissage.
Oubliez donc vos habitudes précédentes liées aux autres bateaux, vos croyances et autres « savoirs », tout cela n’est peut-être tout simplement pas applicable sur le nouveau bateau.
Par ailleurs le propriétaire est, à priori, le mieux à même de savoir comment tout fonctionne ou doit être utilisé, donc suivez ces instructions et autres conseils, au moins au début pour vous familiariser avec ce nouvel environnement, rien ne vous empêchera, plus tard, de proposer des améliorations qui seront certainement très bien reçues si elles sont justifiées ou valables…
Mais n’oubliez pas qu’un propriétaire qui navigue depuis des années à bord a probablement déjà analysé le problème et y a répondu correctement, même si cela ne vous semble pas logique ou évident, le compromis est souvent appliqué en lieu et place du dogmatisme ou du manichéisme, de la théorie académique, de la littérature de référence.
Dites -vous bien qu’il navigue depuis plus longtemps que vous sur ce bateau et que si certaines choses ne vous semblent pas logiques, « normales » ou mal faites, essayez de comprendre et d’apprendre, et n’oubliez jamais que tout coûte cher, donc si vous perdez ou cassez du matériel parce que vous ne suivez pas les demandes du propriétaire, il est normal que vous assumiez les conséquences de vos actes…en avez-vous seulement les moyens ?
Dans le cas où vous seriez en mesure de modifier, de corriger ou d’améliorer quelque chose, voir d’apprendre au propriétaire une meilleure façon de faire, n’hésitez pas à soumettre votre suggestion à celui-ci pour en parler tranquillement, de préférence autour d’un verre en dehors de l’action, mais ne faites surtout pas l’erreur de ne pas suivre ses demandes, ou de feindre de le faire et de faire à votre guise, cela se termine mal en général.
J’ai en mémoire un équipier, proclamé skipper professionnel dans la plaisance, très imbu de lui-même, qui refusait d’attacher les défenses autrement qu’avec un nœud gansé, ayant failli en perdre 3 au cours de notre croisière, les nœuds se défaisant seuls, j’ai du faire un rappel à l’ordre au bout de quelques jours et écourter le croisière, ne voulant pas prendre le risque d’être en confrontation permanente pour tout sujet avec l’individu (nous avions déjà eu maintes autres sujets litigieux par ailleurs…).
Imaginez que vous soyez chez quelqu’un et à qui vous commenceriez par dire de quelle manière il devrait faire le ménage, aménager son intérieur, voir combien de fois par jour il devrait aller aux toilettes, de quelle couleur devrait être le tapis, etc… Non ? Hé bien c’est la même chose à bord d’un bateau lors de votre 1er embarquement.
Bon vent et bonne mer à tous.